|
|
|
|
Le GREYC, dans lequel j'effectue ma recherche, comporte quatre équipes. Celle où je travaille s'intitule "instrumentation" et fait partie de l'ISMRa. Nous nous occupons surtout de la caractérisation de capteurs et de composants électroniques, en particulier de la mesure du bruit propre de ces composants. Nous concevons, modélisons et réalisons nous-même une partie des dispositifs que nous mesurons. Nous sommes plus d'une dizaine d'enseignants-chercheurs épaulés par deux techniciens et une secrétaire, ainsi que par une demi-douzaine de thésards. Notre équipe croît régulièrement depuis plusieurs années. La faiblesse du nombre de techniciens s'explique autant par la politique malthusienne de notre ministère de tutelle en la matière que par des raisons locales. La présence dans le même institut de laboratoires importants richement dotés en techniciens, par exemple. Faute de technicien (ou d'ingénieur) en informatique c'est un enseignant-chercheur qui jusqu'à présent s'occupe de la maintenance du réseau informatique local de l'équipe. Ces dernières années, c'est moi qui m'y suis collé. Nous devons prochainement accueillir une ingénieur du CNRS qui effectuera ce travail. Deux thésards ont obligemment accepté de m'aider dans ce travail, ne serait-ce que pour répondre aux utilisateurs lorsque je suis en enseignement. Qu'ils soient ici vivement remerciés. Ce travail comporte des tâches à long terme : choix de système d'exploitation, de matériels, de logiciels, centralisation et organisation des données des utilisateurs et des matériels, automatisation des tâches répétitives... C'est la partie la plus intéressante du travail, mais c'est aussi celle dans laquelle vous vous heurtez d'un coté à vos chefs qui trouvent que vous dépensez trop d'argent, inutilement, puisque en apparence tout fonctionne, et de l'autre coté à vos collègues qui réclament tel logiciel ou tel matériel absolument indispensable et hors de prix. Il comporte aussi des tâches répétitives : Sauvegardes, surveillance des accès, entretient des machines... Gonflant et sans aucune gratification, c'est ce que j'appelle le travail invisible, les utilisateurs ne le découvre que lorsque quelque chose cloche. Il comporte des tâches ponctuelles prévisibles : Installation de nouvelles machines de nouveaux logiciels, élimination des machines obsolètes [1]... Ces tâches ont le défaut d'être souvent urgentes. Il comporte enfin des tâches ponctuelles imprévisibles : Récupérer sur la sauvegarde un fichier malencontreusement écrasé par un utilisateur, expliquer une fonctionnalité à quelqu'un qui la découvre, rappeler à l'ordre un utilisateur qui vient de télécharger sur le serveur toute sa future discothèque,... Ce n'est pas la partie la plus difficile, mais elle prend du temps et demande beaucoup de disponibilité et d'attention aux problèmes que les collègues rencontrent avec l'outil informatique. Au total, c'est un travail plaisant, mais peu gratifiant pour un enseignant-chercheur. Il n'est littéralement pas payé pour ça, ni en argent, ni en promotion. Ce travail crée de curieuses relations avec les collègues. Le maaîître du réseau a effectivement un certain pouvoir, uniquement technique, restons sobre. Du coup, lorsqu'il se contente d'appliquer une décision prise longtemps auparavant en réunion de laboratoire, il est facilement traité de dictateur. Le plus frustrant est que les collègues qui bénéficient de votre travail ont du mal à le voir. Ceux qui le percoivent le mieux, ce sont ceux qui travaillent ailleurs, où l'informatique est moins bien administrée...
[1] Obsolète : Qui marche encore très
bien, mais qu'un matériel plus récent surclasse largement.
L'obsolescence est une maladie très contagieuse parmi les matériels
et logiciels.
|
|
Pierre Langlois 2001-04-06