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université de caen

Commentaires du rapport Espéret


Objet:        [forum superieur]: (No subject)
  Date:        Tue, 13 Nov 2001 15:09:45 +0100
    De:        François Poirier <fpoirier@upn.univ-paris13.fr>
     A:        Multiple recipients of forum-superieur <forum-superieur@bisrv2.snesup.fr>
 

Chers camarades,
Bernard Gensane a fait parvenir à quelques-uns d'entre nous les
réflexions ci-dessous sur le rapport Espéret:

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La lecture du Rapport Espéret m'a inspiré les commentaires suivants :

La philosophie du rapport Espéret s'inspire à l'évidence des régressions
que le secteur privé a connues depuis une vingtaine d'années. Si ce rapport
est appliqué, l'universitaire, en tant que salarié, deviendra à court terme
un travailleur pseudo-indépendant. Le contrat prévalant sur le statut, le
salariat "normal", avec les droits acquis au cours d'un bon demi-siècle de
luttes sociales, tendra à laisser la place, par le biais d'exceptions et de
dérogations au droit commun, à une multiplication de statuts ou de
situations précaires.

Espéret a le regard tourné vers les pays de langue anglaise (voir les
nombreux anglicismes qui entachent son texte bien souvent pensé en
anglais). Aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, la norme a disparu, la
déréglementation est reine. Une sur-réglementation locale pallie la
non-existence ou la suppression de règles nationales. Ce processus débouche
sur une commercialisation de l'Éducation qui a cessé, depuis longtemps,
d'être considérée comme un service public. Dans ce contexte, l'étudiants
est un client (et il paye) tandis que l'enseignant est évalué et rémunéré à
la productivité. En Grande-Bretagne, un universitaire qui publie beaucoup
voit son service d'enseignement allégé, alors qu'on alourdira celui d'un
collègue peu prolifique pour le "punir". Dans un même département, les
charges peuvent varier, après signature de contrat d'embauche ou
renouvellement, de un à trois, voire davantage. Le contrat, prévu par le
Rapport Espéret, passé entre l'établissement et l'enseignant (comme si ces
deux parties étaient égales!) effritera des solidarités déjà bien mal en
point et renforcera l'individualisme.

Le Rapport fait l'impasse sur la réduction du temps de travail. Il ne remet
pas en cause l'annualisation des services ; il prône même leur
pluri-annualisation. Un président d'université pourra évaluer à sa guise ce
qu'un enseignant doit sur quatre ans (pourquoi quatre ?) en matière
d'enseignement. Il sera à la limite possible de demander à un collègue,
victime une année d'une longue maladie, de rattraper son absence au cours
des trois années suivantes. Le rapport officialise et accentue la
flexibilité à un moment où, dans de nombreux établissements, des chefs de
service exercent des pressions parfois couronnées de succès pour que des
jours fériés, ainsi que des congés de maladie, voire de maternité, soient
"rattrapés". Le passage aux 1600 heures abolit la spécificité du métier
d'enseignant-chercheur et aboutit à une suppression de la limite supérieure
du service d'enseignement (voir le développement sur le statut actuel des
hospitalo-universitaires). Dans son hypothèse haute (non "frileuse", comme
disent les "madelinistes"), le Rapport permet, en remettant en cause la
référence nationale, toutes les manipulations du décompte du temps de
travail.

Depuis la Loi Savary, un manque de mobilisation évident a permis la
précarisation de nombreux enseignants (ATER, chargés de cours, etc.) ainsi
que l'existence de services lourds pour un fort pourcentage de collègues
(PRAG, PRCE). L'État-patron a désormais les coudées franches pour
"libéraliser" les conditions de travail des enseignants "protégés".
A moyen terme, le Rapport Espéret autorise ce que les groupes de pression
patronaux à Bruxelles (tel l'ERT), l'OCDE et des courants non négligeables
de la classe politique française souhaitent ou réclament pour
l'enseignement supérieur français : sa privatisation.

B. Gensane (Université de Poitiers)


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 J'y ajoute ceci, concernant le "modèle" anglais: en ce moment, des
universités anglaises "rationnalisent" leur personnel -- ce qui
signifie qu'elles licencient ceux qui coûtent le plus cher. On a donc
la situation paradoxale de thésards maintenus sur des postes
précaires de type ATER, tandis que leur directeur de recherche émarge
désormais à l'agence pour l'emploi.

Bien cordialement à tous,
François Poirier

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François Poirier, directeur du CRIDAF
Université Paris 13
99 avenue Jean-Baptiste Clément
F93430 VILLETANEUSE
Téléphone (phone): +33 (0)1 49 40 32 54 ou/or 31 81
Télécopie (fax): +33 (0)1 49 40 37 06
Téléphone portable (mobile): +33 (0)6 86 07 79 18
<fpoirier@upn.univ-paris13.fr>
http://www.univ-paris13.fr/cridaf.htm
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