syndicat national de l'enseignement supérieur
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université de caen

Le même au format pdf.

De : syndicat fse <fse_org@yahoo.fr>
    Date : Lun 05 nov 2001 04:09:41 PM Europe/Paris
    À : probleme-listes@snesup.fr
    Objet : Texte de la FSE sur la réforme Lang
    Répondre à : syndicat fse <fse_org@yahoo.fr>

    Voici le texte du tract national de la Fédération Syndicale Etudiante   concernant la réforme Lang de l’enseignement supérieur.
Pour nous    contacter :
    E-mail : fse_org@yahoo.fr
    Site web : www.luttes-etudiantes.com
 

       Réforme Lang : diplôme à points, diplôme qui vaut rien.


    Dans son discours du 4 octobre dernier, Jack Lang a exposé ses projets de réformes pour
    l'Université. Bien que semblant assez diverses, ses orientations s'inscrivent dans une même
    logique de casse du service public, qui était déjà celle de son prédécesseur Claude
    Allègre.

    La principale innovation de la future réforme Lang est l'instauration du système de crédits,
    dit ECTS (European Credit Transfer System). Déjà annoncé le 23 avril 2001, ce système
    revient à mettre en place des "diplômes à points". Concrètement, un diplôme universitaire
    ne s'obtiendra plus par année, avec des examens par matière validant l'assimilation de
    connaissances, mais par une accumulation de points. Par exemple, tel cours de psycho
    donnerait 8 points, un cours d'anglais donnerait 6 points, un stage en entreprise donnerait
    10 points, etc... Une année s'obtiendrait au bout de 60 points, soit 120 points pour valider
    un DEUG et 180 pour une licence. Le ministre a été très clair : "J'ai décidé la
    généralisation de ce système à toutes les filières".

    En théorie, ce système doit favoriser la mobilité des étudiants dans les différents pays
    d'Europe (on va étudier un peu à l'étranger, et ce séjour est validé par des points). Pourtant,
    ces séjours coûtent cher, et Lang n’a annoncé que 4000 bourses de mobilité, ce qui est
    ridicule pour 2 200 000 étudiants ! En réalité, on sait bien que l'actuelle "harmonisation
    européenne" de l'enseignement supérieur est destinée à transposer le système anglo-saxon
    en Europe. La division de l'année en semestres (instaurée par Bayrou en 1997) puis
    l'organisation des cursus en 3/5/8 (sous l'impulsion d'Allègre dès 1998) ont déjà entamé
    cette mutation.
 

    La casse du cadre national des diplômes

    Premièrement, dans le cadre des ECTS l'accréditation des points par ECUE (ou matière)
    n'est garantie par aucun cadre national. Mais le système des crédits capitalisables permet
    aussi de faire avancer la pluridisciplinarité. Ce système fait que les diplômes ne seront
    plus spécialisés sur une discipline, mais mixtes. Par exemple, un DEUG qui mélange
    lettres modernes, histoire et espagnol (c’est le cas à Nîmes). Quel est le but de ce type de
    DEUG ? Voyons ce qu'en dit Jack Lang : "La pluridisciplinarité a d'une façon générale
    l'avantage [...] de donner un cadre commode pour la professionnalisation des
    formations". Concrètement, on va regrouper des filières pour faire de beaux diplômes
    exprès pour les entreprises locales. Et si on change de région, le diplôme est-il reconnu
    nationalement ? Evidemment non, c’est tout l’enjeu de la régionalisation des diplômes.
    Pendant ce temps, Lang continue quand même à parler de mobilité des étudiants...
 
 

    De plus, la pluridisciplinarité amène au regroupement des filières dites non-rentables,
    donc à terme il y a un risque de disparition de ces filières en tant que telles. Au-delà, c'est
    la continuation du lycée à l'université : un DEUG avec un peu d'histoire, un peu de maths,
    un peu d'anglais, cela existe déjà : ça s'appelle le bac. A ceci près qu'il faut justement
    avoir le bac pour entrer à l'université. L'intérêt de le repasser une fois arrivé à la fac nous
    semble excessivement limité.

    De manière générale, la pluridisciplinarité empêche tout approfondissement des
    connaissances, et entraîne la création de diplômes locaux, sans reconnaissance nationale
    (suivant en cela l'exemple des licences professionnelles).
 

    Manque de moyens généralisé

    Fidèle à ses méthodes, Lang veut faire passer sa réforme en essayant de faire croire qu'il
    va donner beaucoup plus de moyens à l'enseignement supérieur : or, loin des effets
    d'annonce, force est de constater que le nombre de créations de postes est ridicule par
    rapport aux besoins. Si 648 postes d'enseignants seront créés à la rentrée 2002, il en
    manque actuellement... 13 592 ! (1) C'est-à-dire qu'il sera créé 4,8 % des postes
    nécessaires. Bonjour le foutage de gueule ! Les créations de postes de personnels
    administratifs et techniques (IATOSS) vont quant à elles carrément diminuer de 8 % a la
    rentrée 2002 ! Pourtant, il y a là aussi une situation de pénurie : il manque 5 425 postes.
    Mais ça ne semble pas préoccuper Jack Lang.

    Notre ministre est au contraire très fier d'annoncer que le nombre d'étudiant par enseignant
    va baisser en moyenne de 0,65. C'est-à-dire que, au sein des amphis surchargés, il y aura
    un tronc et un bras d’étudiant en moins. On avance doucement. Toujours est-il qu'on se rend
    bien compte, au vu des chiffres, que l'autosatisfaction de Lang quant aux créations de
    postes est sans rapport avec la réalité, et que sa volonté n'est pas de s'attaquer au manque
    de moyens dont souffre l'enseignement supérieur.
 
 

    Objectif : professionnalisation

    Toute la subtilité de la réforme Lang consiste à profiter de l'instauration du diplôme à
    points pour remplacer l'esprit universitaire par l'esprit d'entreprise. Le but, en accord avec
    le MEDEF (groupement des patrons), est de remplacer les connaissances par les
    compétences. C'est une différence énorme : l'université ne serait plus un lieu de création et
    de transmission de savoirs, permettant l'émancipation intellectuelle et le développement de
    l'esprit critique. Au contraire, ce serait une antichambre des entreprises, avec une
    formation ayant pour but de "rentabiliser" l'université (et les étudiants). C'est contraire au
    principe de service public, et c'est de plus totalement inefficace : s'il n'y a que 8 emplois
    pour 10 étudiants, on peut réformer la fac dans tous les sens, il n'y aura quand même que 8
    emplois pour 10 étudiants.
 
 

    Lang a également annoncé "un grand développement des stages". Les licences
    professionnelles comprennent déjà un stage obligatoire (et non-remunéré) de 12 à 16
    semaines, soit la moitié de l'année universitaire. Ce principe sera étendu, notamment dans
    le cadre des cursus pluridisciplinaires et du diplôme à points. Concrètement, l'étudiant
    paiera ses frais d'inscription pour aller travailler bénévolement dans une entreprise, et
    ainsi occuper la place d'un chômeur. Les stages se feront également au détriment de
    l'acquisition des savoirs fondamentaux.
 
 

    Le statut des enseignants-chercheurs sera à nouveau révisé, pour mieux prendre en compte
    "le développement de l'enseignement en ligne, l'accroissement considérable de la
    professionnalisation des études, l'investissement des chercheurs dans le monde de
    l'entreprise". Les étudiants ne sont donc pas les seuls visés.
 
 

    Jack Lang souhaite également la disparition des DEA et DESS, et leur fusion au sein des
    "mastères", diplôme tout droit sorti du rapport Attali de 1998. Cela pour avancer encore
    dans la logique du 3/5/8 (puisqu'il s'agit de diplômes à bac +5) et l'adaptation au "modèle"
    anglo-saxon, plus précisément au "master's degree", qui est l'équivalent du bac +5
    américain.
 

    L'autonomie croissante des universités

    Lang a annoncé qu'il souhaitait "donner plus de capacités d'initiative" aux universités, en
    particulier à leurs présidents. Cela implique une plus grande autonomie des facs, donc un
    pas de plus vers la fin d'un cadre national, seul garant possible d'un service public
    égalitaire. En contrepartie, les facs seront soumises à "une évaluation fréquente, régulière
    et systématique". C'est aller encore plus loin dans la mise en concurrence des universités
    entre elles.
 
 

    Le ministre a également annoncé l'ouverture à cette rentrée de dix "campus numériques". Le
    but selon Lang est de "permettre à la France de garder sa place dans un contexte de
    concurrence internationale". Le savoir n'est plus considéré comme une richesse
    collective qu'il faut partager, mais un marché sur lequel il faut être compétitif. Cela revient
    à gérer l'enseignement supérieur comme une entreprise, ce qui participe au processus
    actuel de marchandisation et de privatisation des universités.
 
 

    Enfin, afin de se mettre dans la poche les structures étudiantes institutionnelles, Lang a
    également annoncé pour les étudiants engagés dans les actions associatives : "une
    validation de ces actions dans le cadre de la formation". C'est-à-dire que des étudiants
    pourraient obtenir des points en fonction de leur participation à des actions associatives.
    Le but pour le ministère est d'acheter les élus étudiants des universités, en échangeant des
    crédits pour leur diplôme contre leur silence face aux réformes actuelles et au manque de
    moyens. Nous n'accepterons pas ce système non égalitaire favorisant les membres des
    associations proches du ministère. Les membres de la FSE n'accepteront jamais d'en
    bénéficier.
 
 

    La réforme Lang constitue une attaque de plus contre nos conditions d'étude. Néanmoins,
    elle n'est pas une fatalité. Nous appelons l'ensemble des étudiants et des personnels de
    l’enseignement supérieur à s'unir contre cette réforme, tant qu'il est encore temps !
 
 
 

    Non au diplôme à points !

    Non à la privatisation rampante des universités !

    Pour une Université de service public, gratuite et laïque !

    Réengagement financier total de l'Etat dans l'enseignement supérieur !

 

 
 

    Les citations sont extraites du discours de Jack Lang du 4/10/2001. Vous pouvez en
    consulter le texte intégral sur :

    www.luttes-etudiantes.com/droits/contenu/discourslang2001/001.html
 
 

    (1) : Chiffres du SNESup.


Pierre Langlois 26-10-2001